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Aveyron : l’alambic de Patrick Allemand, ou l’art de distiller le patrimoine depuis 100 ans

Depuis cent ans, l’eau de vie coule à Saint-Igest, dans l’ouest du département. La coopérative de distillation, créée en 1922, voit ses bouilleurs de cru se renouveler. Patrick Allemand est actuellement maître distillateur.

L’eau de vie. Cela fait cent ans qu’elle coule, chaque hiver revenu, dans un coin de notre Rouergue. 1922, la date s’affiche au fronton du hangar où, quand la gelée blanchit les prés voisins, chauffent trois alambics. Nous sommes là dans l’antre de la coopérative de distillation de Saint-Igest. Une institution créée le 15 septembre 1922 par l’abbé Bourdoncle, le curé du village qui était à la recherche de fonds pour financer la construction d’une église. La gnole pour servir la messe ! Un autre temps. L’église s’est élevée dans la prairie à l’entrée du bourg alors que la distillerie se développait sur la place du village, à quelques mètres de l’édifice religieux, avant de migrer en 1997 sur les hauteurs, perpétuant une tradition qui fait la richesse de la vie rurale. Et qui représente un vrai patrimoine vivant.

Tous les hivers, ils sont nombreux les bouilleurs de cru à prendre la direction de Saint-Igest, avec des remorques chargées de fruits (surtout) ou de vendange (moins maintenant). Ils viennent de tout le pays de l’Ouest Aveyron et des départements voisins. Car, il faut bien savoir que tout le monde peut distiller sa production de fruits.

Pas besoin d’avoir le « droit », c’est-à-dire un privilège qui exempte du paiement des taxes. Ce privilège, dont une ordonnance du 30 août 1960 a interdit la transmission, s’éteint avec la disparition naturelle de nos aînés. Mais les bouilleurs de cru, avec un renouvellement des générations, sont toujours là. Pour distiller leur récolte il leur est demandé d’adhérer à la coopérative (10 €), ils payent alors un forfait de 50 € pour 5 litres d’eau-de-vie (2 € par litre supplémentaire) et doivent s’acquitter des taxes, fixées à 9,03 € par litre d’alcool à 100°, soit environ 4,50 € par litre à 50°, degré qui est rarement dépassé.

« Aujourd’hui, on recherche plus la qualité que la quantité. Pour avoir une eau-de-vie aromatique et agréable à boire, il faut la sortir à 45° », explique Patrick Allemand, le bouilleur qui entame sa onzième campagne. Ses conseils sont toujours pertinents. « Nous avons là un distillateur champion du monde »assure Serge Joulié, le secrétaire de la coopérative (le président en est Jean-Paul Fayret).

« Je fais de l’eau-de-vie, pas de la gnole », lâche Patrick Allemand, qui veille sur tout. Son savoir-faire du bouilleur s’exprime à toutes les étapes de la distillation. Il est donc aux commandes de trois alambics, le plus ancienne date d’avant 1922 et le plus récent, un petit de 150 litres, vient d’être acquis par la coopérative après une collecte participative pour mieux répondre aux besoins des nouveaux bouilleurs de cru . Ils font distiller différents fruits : pruneaux, poires, fraises, framboises, coings.

Plus inédite pour Patrick Allemand, une distillation de vieilles bouteilles de bière. Il poursuit sa campagne jusqu’au 28 février (prendre rendez-vous au 06 04 45 11 94). Des mois d’hiver où il fait vivre le patrimoine.