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Kamil Zihnioglu photographie les identités corses

Sorti de l’école de condé en 2017, Kamil Zihnioglu est un photographe tout terrain. Des archives de la Bibliothèque nationale de France dans dix de ses images vont faire leur entrée, au Journal Le Monde ou aux agences de presse, il se plaît à travailler pour différents univers, tout en développant, depuis 4 ans, un sujet qui lui tient à cœur : la question des origines et de l’attachement à la terre avec pour toile de fond…, la Corse.

Sur quoi travaille-tu en tant que photographe aujourd’hui ?

Lorsque je suis sorti de l’école de condé, j’ai commencé un projet en Corse car j’avais de la famille là-bas et que j’avais envie de me tourner vers un travail plus personnel et documentaire. Je souhaitais me tourner vers un travail d’auteur et être moins une usine de production d’images pour la presse nationale et internationale. J’ai déménagé sur l’île juste avant le Covid et je poursuis depuis 4 ans ce travail documentaire qui est un mélange entre l’intime et le documentaire journalistique. C’est un projet hybride entre argentique et numérique. Un livre est en préparation pour l’été 2024 et j’ai fait trois expos cette année donc une grosse à la médiathèque de Porto-Vecchio.

Peux-tu nous expliquer ton projet ?

Mon projet s’appelle Intraccià. Il s’agit d’une quête vers les identités corses. Je suis venu au départ pour essayer de trouver ce qui constitue l’identité corse et je n’en ai pas trouvé une mais dix mille. La question centrale de ce projet a été de m’interroger sur ce qui rattache la jeunesse à sa terre. Je suis né d’un père turc, d’une mère syrienne allemande et je suis né en France, donc je me suis moi-même posé des questions là-dessus. En arrivant sur une terre comme la Corse, j’ai compris que l’attachement à la terre était primordial pour comprendre d’où on vient. En suscitant de côté mon approche de journaliste, j’ai pu entamer un nouveau voyage sans destination, celui de l’exploration des sentiments que provoque cette île. Intraccià, est le fruit de cette errance, cet amour et ce sentiment inexplicable d’appartenance pour une terre qui n’est pas la mienne. J’essaie d’apprendre la langue corse et ça a été d’une grande importance pour moi dans cette recherche autour de l’insularité.


Tu travailles aussi comme photographe pour la presse comme avec le Journal Le Monde. Quel type de photos fais-tu dans ce cadre-là ?

C’est surtout du reportage, cela peut concerner du social, de la politique, des portraits. Ça va de suivre un ministre, à faire le portrait d’un chanteur, d’un ouvrier pour les pages éco du journal, ou d’être avec un agriculteur ou l’office de l’environnement corse toute la journée en bateau.

Un souvenir qui t’a marqué en tant que photographe de presse ?
Il y en a plusieurs ! Je me souviens d’une photo pendant la loi Travail en 2016, où un homme est sorti d’un nuage de gaz lacrymogène. Je vois une ombre sortir et je sens qu’il faut que je fasse la photo. Ou encore je me rappelle d’une photo que j’ai faite après les attentats du Bataclan. Un brancard couvert d’une couverture de survie était au sol, avec deux personnes du SMUR au-dessus de lui. On ne voit rien et au moment où je décide de valider la photo, je me rends compte qu’ils ont soulevé le drap et qu’une main est tombée.

Quel est ton parcours pour te former dans le domaine de la photographie ?

Après le bac, je savais que je voulais faire de la photo, j’ai donc fait des stages en Allemagne dans une agence de presse et un tabloïd. Ça m’a appris le métier de la presse et permis d’être déjà à l’aise avec un appareil. Mes deux parents travaillant tous les deux dans le milieu du photojournalisme et de la presse, et après un trimestre en fac de géographie à Montpellier, j’ai commencé à bosser un peu avec mon père à l’agence de presse Sipa à Paris. J’ai fait de la plomberie, de la comptabilité, de l’iconographie et toutes sortes de missions, jusqu’au jour où un photographe salarié a été malade alors qu’il devait aller photographier un évènement à l’Elysée. J’y suis allé, j’ai couvert comme ça deux-trois événements à l’Elysée et Matignon, puis j’ai fait le festival de Cannes un mois après, et je n’ai plus arrêté. Malgré ça, mes parents voulaient quand même que je fasse une école, c’était non négociable. Donc j’ai choisi l’école de condé pour aller au-delà de la technique. Ça m’a permis d’atteindre une maturité photographique en étant confronté à d’autres écritures qui ne sont pas les miennes. Au fur et à mesure, ça a ouvert mon champ des possibilités en me plongeant dans l’image, être capable de l’analyser et comprendre ce qu’elle veut dire.

Que t’a aussi apporté à ta formation à l’école de condé ?

L’école m’a montré qu’on ne peut pas bosser seul. Je travaille par exemple avec un directeur artistique qui m’a aidé à concevoir mon projet, avec un retoucheur, avec une développeuse de projets qui m’aide à faire des textes par exemple pour élaborer des dossiers de bourses ou de prix. Il est important de ne pas être tout seul quand on est photographe pour avoir d’autres regards et travailler avec d’autres talents.