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Le Labo « Écouter Parler » dresse un panorama sonore de la France

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La borne rouge et blanche au centre du camion rappelle celles que l’on trouve au bord des routes. Celle-ci est pourtant truffée de micros destinée à capter le moindre pot-de-vin de parole. Autour d’elle, les participants fument place et brisent la glace avec un jus de pomme.

Au cœur de la conversation ce matin : les accents. Celui, serbe, de Mila ou encore celui de Mario, Portugais d’origine mais dont les décennies de vie en France ont remporté à gommer son phrasé natal. « Cela s’est fait naturellement, se souvient-il. Quand on est jeune et qu’on arrive en France, on ne veut pas trop se faire remarquer et on veut se mélanger avec les autres. » Avec sa femme Roseline, ils ont participé à une dizaine de minutes d’échange dans le « Labo mobile des langues ». « Au début j’étais complètement perdu mais c’était intéressant que des personnes qui ne se connaissent pas bien puissent discuter ensemble. »

Un portrait sonore de la France

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Cette conversation impromptue a été enregistrée et va venir grossir la base de données du Laboratoire mobile des langues. Ce projet, mené par la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) du ministère de la Culture en partenariat avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a été lancé en mars dernier lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts dans le cadre de la Semaine de la langue française et de la francophonie.

À la fois interactif et participatif, il permet de collecter des enregistrements sonores et de consulter des collections existantes sur les langues de France, notamment les Archives de la parole de Ferdinand Brunot qui datent de 1911. « En les écoutant, on se rend compte à quel point on comprend le français parlé il y a une centaine d’années même s’il a des différences fortes », résume Olivier Baude, responsable scientifique et chef du projet.

Marchant – ou plutôt roulant – cent ans plus tard dans les pas de Brunot et s’inspirant du film Les habitants de Raymond Depardon dans lequel le réalisateur partait à la rencontre des Français, ce camion rouge et blanc veut multiplier les captations de « café-conversation » afin d’explorer les subtilités et particularités de la langue de Molière. « On écoute tout : les différents accents, les sonorités, les expressions, les tournures de phrases, l’emploi de certains mots comme « Pain au chocolat » ous « chocolat »… Il s’agit de montrer que toute personne parlant le français le fait avec une connaissance très fine de la langue, poursuit Olivier Baude. La politique linguistique doit se construire sur des savoirs mais on ne connaît pas bien la richesse de la langue. Nous avons la volonté de conserver ces enregistrements sonores pour en faire un objet d’enseignement, artistique et même technologique. »

Un outil à géométrie variable

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Une fois collectés et traités, les enregistrés sont publiés sur une plateforme et mis à disposition du grand public et des chercheurs, ces derniers pouvant par exemple mener des travaux sur la reconnaissance vocale sur différents types d’accents. Cette vaste audiothèque est également destinée à devenir un outil d’enseignement et un lieu de ressources pour la maîtrise du français.

Le projet repose aussi – autre originalité – les mondes scientifiques et culturels, puisque les enregistrements sonores sont aussi conçus pour des artistes qui veulent réaliser des œuvres sonores. L’outil principal, le véhicule, lui a été pensé par des linguistes en collaboration avec un artiste associé : Guykayser. À l’extérieur du camion, des assemblages d’illustrations tirées des concepts du fondateur de la linguistique moderne, Ferdinand de Saussure, se superposent à l’identité visuelle réalisée par Ruedi et Vera Baur tandis qu’à l’intérieur, technologie et création cohabitant artistique, comme des panneaux acoustiques sur les murs montrant le spectogramme d’une minute du discours inaugural des Archives de la Parole.

Une tournée en France

Installé lundi 26 septembre près du Palais-Royal à l’occasion de la Journée européenne des langues, ce dispositif s’apprête à lancer sa grande tournée nationale, qui s’arrêtera tout d’abord le 2 octobre à la Fête du livre de Merlieux dans l’Aisne. « La suite est une aventure dont le trajet se fera au fil des rencontres avec des écoles ou des médiathèques. On se laisse porter par le projet », prévoit Olivier Baude.

Cette première tournée durera un an, avec, pour objectif de multiplier les dispositifs similaires. Le champ des possibles est en tout cas gigantesque. « Quand on sait qu’il existe vingt-huit langues différentes en Nouvelle-Calédonie, on se rend compte que la richesse des langues n’est pas prête d’être décrite », conclut Olivier Baude.