Le cinéma itinérant, c’est aujourd’hui 109 exploitants passionnés (rapport d’information du Sénat, 24 mai 2023), épaulés par de nombreux bénévoles, en France et Outremer. Ceux-ci organisent des projections de films dans près de 2500 communes rurales, dans tous les coins du territoire national. C’est là une offre exceptionnelle mais largement méconnue, qui dispose, en outre, d’un fort potentiel de développement.
Pour Anne Lidove, présidente de l’Association nationale du cinéma itinérant (ANCI), ce dernier constitue une offre culturelle de proximité pleine d’avenir. Investir pour mettre en œuvre de nouveaux circuits et toucher plus de communes, c’est, à ses yeux, le défi qui se présente aujourd’hui.
Qu’on en juge : non seulement la demande dans les territoires ruraux ne faiblit pas, mais de plus l’arrivée de nombreux « rurbains » dans les campagnes apporte un surcroît de dynamisme à tous les niveaux : l’engagement (professionnel et bénévole) , le besoin d’équipements sur place, un mode de vie connecté en harmonie avec la transition écologique… L’exception culturelle habite aussi dans les campagnes ! Entretien.
Comment se passe une séance de cinéma itinérant dans une commune rurale ?
En amont, c’est d’abord l’organisation d’une tournée. Chaque exploitant de cinéma itinérant définit avec ses partenaires un « circuit ». Le jour d’une séance, le projectionniste apporte tout son matériel cinéma en camion – l’équipement est en effet « tout numérique » – sur place, pour installer la séance et assurer la projection.
Parallèlement, le public a été informé par différents biais (notamment sur internet où sont maintenant publiées les séances, grâce au soutien du CNC, le Centre national de la cinématographie de l’image animée). S’il est en âge d’en profiter, il a utilisé son pass culture.
« Près des deux tiers des circuits sont classés art et essai »
Parfois, le cinéma n’est là qu’une fois par mois. C’est donc un événement. Tout est parfaitement organisé par les salariés et bénévoles. Souvent, la salle est comble et l’accueil est toujours chaleureux. Des séances du soir, suivies de ciné-débats très animés, et même quelquefois la présence du réalisateur (toujours très heureux de rencontrer ce public). Signalons que près des deux niveaux des circuits sont classés art et essai. Et autour de la séance, en partenariat avec la commune, les jeunes profitent des dispositifs d’éducation aux images que nous relayons pour eux.
C’est vraiment du baume au cœur, pour tous ces passionnés, professionnels et bénévoles, et pour les édiles, de voir que l’énorme travail qu’ils accomplissent est tellement apprécié de ce public. La demande est forte et ne faiblit pas !
Comment décririez-vous ce public du cinéma itinérant ?
Il vit, bien sûr, en pleine campagne. C’est un public local qui, avec raison, ne veut pas d’une programmation à rabais. Depuis quelques années, les « rurbains » constituent une part de ce public. Il s’agit de personnes plus jeunes, des familles avec des enfants qui ont quitté les villes récemment. Ils ont été des habitués à profiter d’une offre culturelle de qualité. Souvent, ce sont les éléments moteurs d’une création d’activité. Ils contribuent à enrichir les propositions du cinéma itinérant, dans des communes du bout du bout du territoire, où l’offre culturelle est rare, sinon parfois un tout petit coin médiathèque… !
Dans ces conditions, le cinéma itinérant est-il une offre culturelle d’avenir ?
Je crois beaucoup à son avenir, parce qu’avec un soutien financier il pourra non seulement renforcer ses équipes, mais aussi développer de nouveaux circuits. Je crois aussi à son avenir parce qu’il est parfaitement vertueux en termes de transition écologique : nous évitons aux gens d’avoir à faire des kilomètres pour se rendre en ville au cinéma. Et enfin je crois à son avenir parce qu’il est un vecteur idéal, simple et bon marché, de la progression de l’offre culturelle dans les territoires les plus reculés.
Pour permettre ce développement presque naturel, vue la demande du public rural, il faudra simplement aider les communes à rénover leurs lieux d’accueil. Il faudra aussi, c’est très important, aider les exploitants à embaucher des personnes nouvelles, jeunes, dynamiques et reliées aux réseaux sociaux, pour renouveler les propositions, affiner la communication, nourrir la médiation, promouvoir l’éducation aux images.
Aujourd’hui, bénévoles et professionnels tiennent à bout de bras cet univers du cinéma itinérant, avec fort peu de moyens, et ils ont le sentiment d’être continuellement débordés par les demandes. Cet art, que tout le monde plébiscite et qui n’a qu’à se programmer pour faire salle comble, est fait pour l’itinérance. Et comme au temps des frères Lumière, il doit aller, en pionnier, porter aux avant-postes le meilleur de l’offre culturelle.